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8 février 2010 1 08 /02 /février /2010 06:59
JeuAnge.jpgLe jeu de l'ange, de Carlos Ruiz Zafón
Robert Laffont, 20 août 2009

Attention, ceci est un
coup de cœur : critique élogieuse et mal construite en vue !

Et si...

Et si ce livre était le meilleur livre de sa catégorie que j'ai jamais lu ? C'est une question rhétorique, bien évidemment. Ce livre EST le meilleur livre fantastique que j'ai jamais lu !

Déjà parce qu'il n'est pas que fantastique. Il est aussi policier, historique, noir... Grâce à eux, nous pouvons croire en la réalité, ou du moins le censé, de tout le roman, y compris les événements irréels. C'est un très beau tour de force de Carlos Ruiz Zafón de rendre ainsi l'irréel réel. Bien meilleur que ce que j'ai lu jusqu'à présent qui essayait d'atteindre le même but. Je me suis posé cette question à plusieurs moments, celle que nous nous posons tous en lisant une fiction : « Et si tout était vrai ? ».

Ensuite il ne faut pas dénigrer le fantastique lui-même. À travers lui, Carlos Ruiz Zafón nous peint un monde sombre ancré dans les années 1920 de Barcelone, de toute manière pas très joyeuse non plus, où la corruption, l'égoïsme et le meurtre font force de loi. L'irréel est incarné dans une seule personne : Andreas Corelli. Un homme étrange qui se fait passer pour un éditeur français mais qui devient très vite une figure insaisissable du roman. Tout ce qui l'entoure est étrange : son papier à lettre d'un autre temps, les lieux auxquels il invite Martín, le narrateur, plein de faste mais qui redeviennent des lieux abandonnés dès le lendemain, son contrat signé avec le narrateur qui doit écrire un livre qui crée une religion, le peu d'informations qui l'entourent (à commencer par l'époque à laquelle sa maison d'édition est évoquée : un siècle plus tôt), son lien avec l'ancien propriétaire de la maison de Martín, elle aussi très étrange, la quasi-résurrection de Martín qu'il effectue, l'épilogue dans lequel il apparaît... Et si ce personnage fantastique nous manipulait comme il manipule Martín vers et dans la réalité sombre qui est la nôtre, Barcelonais ou pas ?

À côté de l'histoire de ce personnage avec David Martín, écrivain méconnu et narrateur de ce roman, il y a la vie réelle de notre narrateur. Son mentor, Vidal, qui le lance dans l'écriture, son métier de journaliste qu'il abandonne bientôt pour se consacrer à l'écriture, son enfance, son amour déçu pour Christina, sa maladie, son enquête pour découvrir le secret de sa maison, Isabella son amie de toujours, Sempere un vieux libraire qu'il connaît depuis l'enfance et considère comme un père... Tout se mêle dans ce roman, notamment les événements (on pourrait ajouter les genres, les personnages, les lieux...). Ainsi, la maladie de Martín peut expliquer ses étranges visions et son décalage avec le reste du monde, l'enquête qu'il mène est étrangement en lien avec Corelli, le récit qu'il écrit pour celui-ci ressemble à un million d'autre, tous rassemblés dans un cimetière des livres fascinant que Sempere lui fait découvrir, Christina se retrouve victime de Corelli, Isabella devient l'élève de Martín comme celui-ci l'était de Vidal... La construction est complexe mais nous sommes très rarement perdus, sauf quand l’auteur de ce récit veut que nous soyons perdus. Et si tout était parfaitement bien mené ?

On sent beaucoup de lyrisme dans ce roman noir fantastique. Chaque mot sonne juste et fait appel à notre sensibilité. Ainsi, si on prend n'importe quelle phrase du roman, disons la cinquième de la page 120 prise au hasard parmi les 537 pages, soit « Je contemplais ce chœur de hyènes et songeai que, dans d'autres circonstances, ce moment m'aurait paru d'une exquise ironie », elle me paraît belle. Les expressions « chœur de hyènes » et « exquise ironie » me plaisent beaucoup, la première étant une métaphore comparant les éditeurs et leur secrétaire à un « choeur de hyènes », la deuxième relevant pour moi presque de l'oxymore avec en plus une assonance du son -i-. Tout cela m'est apparu comme bien poétique. Et il en va ainsi de la première phrase de la première page à la dernière phrase de la dernière page. Et si la plume de ce romancier était aussi fantastique que le récit qu'elle nous conte ?

Le style, l'intrigue, le mélange des genres, le réalisme du fantastique et la noirceur qui se dégage sont autant de critères qui m'ont fait adorer ce livre que je conseille à tous.

Cette chronique de lecture est originellement parue le 30 janvier dans Petites lectures entre amis, blog sur lequel vous pouvez lire d'autres articles de Constance.
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